... Alors ils ne sont sans doute pas les seuls.

Hier, après avoir réglé quelques bricoles sur ce nouveau blog, entre des problèmes d'habillage (d'ailleurs toujours pas résolu) et des créations de petits logos que je mettrai dans mes articles afin de prévenir le lecteur de toute leur dimension potentiellement irritante (S'il y a des sciences chiantes, des opinions définitives et fermées d'esprit ou encore des blagues pas drôles ; ce qui sera à peu près toujours le cas, autant qu'il sache à quoi s'attendre), je me suis replongée dans la lecture de La Philosophie expliquée à ma Chouette, d'Yves Cusset.

 
Si ça pouvait intéresser la chouette, la philosophie, alors moi aussi. Je dois avoir le même QI qu'elle vu que je n'ai même pas l'esprit d'aller chercher une photo de chouette ailleurs que sur Wikipedia.

C'est alors que je suis retombée sur la section "Utopie", que j'avais déjà lu il y a un an, et qui m'avait alors arraché un rire (c'est rare quand je suis seule). Vous avez peut-être déjà entendu parler des soi-disant sous-entendus totalitaires dans les Schtroumpfs. Alors qu'on soit bien clairs, je n'ai jamais vraiment accroché aux Schtroumpfs, et du coup l'idée m'a tout de suite plu, bien que je ne puisse pas m'empêcher de la trouver absurde. Je me disais "Finalement, le fait de ne pas aimer les Schtroumpfs était révélateur de toute ma sensibilité républicaine et de mon attachement à la démocratie, à la libre-pensée, à l'humanisme, aux Droits de l'Homme ! Comment ai-je pu ne pas y penser avant ?" . Donc, le nazisme des Schtroumpfs, Yves Cusset l'a exprimé de manière tout à fait claire, je vous laisse savourer :

 

"Le philosophe a à coeur, dans ses moments de loisir, d'imaginer une société idéale où tout est bien rangé, où chacun est à sa place avec une fonction propre, où rien ne déborde, où on sait tout de suite où ranger le nouveau venu pour éviter de le laisser traîner, où les inférieurs aiment les supérieurs comme il se doit et où les supérieurs les méprisent comme il convient ; voilà c'est merveilleux, c'est le meilleur des mondes possibles, c'est l'ordre social total et sans reste, parfaitement rationnel, utopie pour laquelle on a trouvé au XXe siècle un joli petit adjectif : "Totalitaire".

 

On ne sait pas pourquoi, mais les utopies, alors qu'il s'agit juste de tout bien ranger gentiment et de nettoyer dans les coins, ont une indéniable tendance à devenir totalitaires. Mais quand on commence à nettoyer, on a du mal à s'arrêter et on devient un maniaque de la propreté sans reste ...  La République de Platon est une des premières grandes utopies totalitaires. Mais quelle est la dernière, la plus récente ? L'une des plus récentes est assurément l'oeuvre de Peyo : Il s'agit des Schtroumpfs. Il y a dans les Schtroumpfs toutes les principales caractéristiques de l'utopie totalitaire.

 

1) La cité des Schtroumpfs est un monde idéal où les individus sont entièrement caractérisés par leur fonction ou leur corporation ; en effet les nains avaient encore des prénoms, les Schtroumpfs n'ont en revanche plus que des attributs qui les caractérisent : Grognon, à lunettes, cordonnier, sportif, etc.Et de plus, chose remarquable, chez les Schtroumpfs,  être une femme est une fonction sociale, c'est pourquoi il n'y a qu'une seule femme et que la Schtroumpfette représente à elle seule toute la corporation des femmes,  ou blondes reproductrices. La Schtroumpfette c'est trois en un : Compagne, mère et pute.  Riche conception de la femme comme fonction dans l'ordre totalitaire. Misogynie et sens de la propreté ont toujours fait bon ménage.

 

2) Il n'y a chez les Schtroumpfs aucun signe ostensible de différenciation autre que ceux liés précisément à la fonction (Le Grand Schtroumpf représente à lui seul toute la différence possible autorisée entre les Schtroumpfs). Multiculturalisme et diversité ethno-culturelle sont donc totalement incompatibles avec l'univers des Schtroumpfs. L'homogénéité de la race apparait donc comme un des idéaux Schtroumpfs, même en l'absence révélée de tout Parti National-Schtroumpf (PNS, ou Parti Naschi).

 

3) La hiérarchie Schtroumpf se réduit au rapport entre un chef unique et ses subordonnés. D'un côté le Grand Schtroumpf dont toute l'identité se réduit à la fonction de chef, de l'autre l'ensemble indifférencié des Schtroumpfs ; aucun corps intermédiaire entre le chef et la société, aucune once d'organisation démocratique de l'espace public, le pouvoir du chef traverse également toutes les sphères de la société.

 

4) L'homogénéité de la société Schtroumpf se renforce par la représentation d'un ennemi irréductible, menaçant de l'extérieur la perpétuation de la race.Gargamel représente le dehors absolu par rapport au monde Schtroumpf, il est le fantasme de l'Autre (avec un grand A) qu'il faudra forcément un jour anéantir pour ne pas être soi-même anéanti. Il agit en cachette et dispose bien sûr d'armes secrètes. La figure de Gargamel s'inscrit de toute évidence dans la mythologie du protocole des sages de Sion.

 Hé ! En plus vous ne trouvez pas que Gargamel ressemble au juif de propagande ?

 

5) La société Schtroumpf est immuable, elle est absolument imperméable à toute forme de changement. Idéal d'un ordre enraciné une fois pour toutes dans la nature des choses,  qu'on retrouve tout autant dans la loi naturelle des nazis que dans la loi historique du totalitarisme communiste. Fantasme fasciste de l'immortalité des civilisations !

 

6) Et surtout, plus important que tout, les Schtroumpfs sont heureux et innocents. Car dans l'imaginaire schtroumpf comme dans les grandes utopies philosophiques, si l'ordre absolu règne et qu'absolument rien ne bouge ni ne change, alors tout le monde peut être vraiment heureux. Bref, le grand nettoyage Schtroumpf évacue de la société ce qui est le souci de toutes les sociétés humaines : L'incertitude, le temps et la mort.

 

On ne peut donc pas être un vrai démocrate et aimer les Schtroumpfs. Pourtant la réalité des démocraties modernes se rapproche de plus en plus de l'ordre utopique des Schtroumpfs : Peyo était un visionnaire.

 

La publicité fait de nous des Schtroumpfs, les gouvernements s'adressent à nous comme à des Schtroumpfs, nous nous traitons de plus en plus nous-mêmes comme des Schtroumpfs : Nous assistons à un mouvement potentiellement irréversible de Schtroumpfisation de la société, et on nous fait croire que c'est là la clé du bonheur. Ne nous laissons pas faire ! Ne nous laissons pas aller à crier avec tous les autres "Allez les bleus !", et engageons-nous tous dans un combat commun contre la domination de l'ordre Schtroumpf. (...) Dès aujourd'hui, commençons à faire sauter les petites maisons en amanite phalloïde, fi de la compassion, soucions-nous de la justice et faisons couler sans vergogne le sang bleu des Schtroumpfs avant qu'ils ne viennent eux-même jusque dans nos bras égorger nos fils et nos compagnes. Aux armes citoyens, formez vos bataillons, et marchons, marchons sur les Schtroumpfs ! C'est la lutte finale, levons-nous et Schtroumpf qui peut !"


  « Au XVIIIe Congrès, nous avons écouté le compte-rendu de la lutte pour le communisme, la lutte des ouvriers, des 
paysans, de l’intelligentsia, de tous les travailleurs de notre pays soviétique que dirige notre chef génial, notre guide, 
notre Grand Schtroumpf. (Applaudissements tumultueux, prolongés qui passent à l’ovation, tous se lèvent.) L’amour des 
Bolcheviks d’Ukraine envers le camarade Schtroumpf reflète la confiance sans limite et l’amour du peuple ukrainien 
envers le Grand Schtroumpf […]. Vive le plus grand génie de l’humanité, le maître et le guide qui nous mène 
victorieusement vers le communisme, notre cher Staline. (Applaudissements tumultueux qui passent à l’ovation, 
tous se lèvent, exclamations : "Hourrah ! Vive le Grand Schtroumpf ! Hourrah ! Camarade Schtroumpf !") ».

Bon, d'accord, c'est glauque. En plus les Schtroumpfs ça peut aussi apprendre plein de belles valeurs, par exemple même l'enfant élevé par les parents les plus racistes et les plus beaufs qui soient n'aura pas de réaction intolérante si un jour se présente un enfant bleu, grâce aux Schtroumpfs et à Avatar. Enfin bon, en revanche pour les arabes et les noirs (oui-bon-ça-peut-aussi-être-un-enfant-noir-qui-n'aime-pas-les-blancs, des fois que les rebelles en carton persuadés que le racisme anti-blanc est nié par un ignoble complot gauchiste débarquent) on ne garantit rien, mais c'est déjà un beau début. Mais il n'empêche que le monde des Schtroumpfs ressemble à une utopie totalitaire.

Mais pourquoi tant de haine contre les Schtroumpfs ? Parce que si on y regarde bien, les autres BD
 pour enfants présentent toutes les caractéristiques d'utopies totalitaires.

http://le-moulin-a-paroles.cowblog.fr/images/Basniveau.jpg

Le rôle de la femme est parfaitement illustré par Boule et Bill, où nous pouvons la voir à de multiples reprises dans la cuisine, vêtue d'un charmant tablier, ou une serpillère à la main.

Les envahisseurs romains d'Astérix ne sont pas sans rappeler les thèses xénophobes reprises par moult partis populistes dans toute l'Europe ainsi que la désignation d'un ennemi nécessaire à toute dictature qui tient la route.

Et surtout, c'est toujours le gentil qui gagne ! Rien de mieux pour faire croire à nos chères têtes blondes que tout dirigeant, toute personne au pouvoir, est quelqu'un de bien, bah oui, sinon elle aurait fini terrassée par le bien. Décidément, tout est calculé pour préparer l'esprit de nos enfants à une dictature basée sur le culte de la personnalité.
 
... A moins qu'il ne faille tout simplement remettre les choses à leur place ?